Habitacle/logistique

Note d’intention

Nous sommes partis d'une envie de redécouvrir notre habitat urbain en tant qu'artistes, citoyens, humains… résidents, visiteurs ou passants.

Paysages, quartiers, rues, bâtiments, couloirs, coins… Nous en faisons un état des lieux, prenant en compte l’histoire industrielle, l’urbanisme qui les a transformés, la démographie en mouvement, le côtoiement du populaire avec des stratégies gentrifiés. Nous glanons, dans des bâtiments en voie de disparition, des éléments de construction qui renvoient à un modèle, à une utopie particulière, un monde à la fois intime et visionnaire, tout en relevant des réalités incontournables de la sphère socio-politique.

Nous nous intéressons à la logistique de projet d'urbanisme produite lors des différentes étapes de transformation : démolition, planification, construction. Cette transformation, passant d’une ruine, d’un chaos, à l’édifice d’un squelette de bâtiment… caché ensuite derrière une façade, ces basculements d’espaces, les uns dans les autres, nous voulons transposer tout cela sur scène ; nous essayons nos corps à sa chorégraphie, à la fois chaotique et extrêmement précise.

Notre travail est un bâti fait de pratiques corporelles et gestuelles, de la photographie, de la sculpture, de la scénographie, de l'enregistrement sonore et vidéo, d'objets trouvés, de textes et de paroles, de documents glanés. Nous mettons côte à côte notre pensée, celle des gens et des milieux croisés le long de nos explorations portant chacune ses réalités.

Nous pratiquons dans un espace où s’interrogent réciproquement les codes scéniques dans la boîte noire et d’expositions dans le white cube. Nous exposons les fruits et les débris de notre laboratoire. Selon le premier code, nous mettrons en scène notre recherche, à la façon d’un théâtre documentaire. Selon le deuxième code, il s’agit de l’activation d’une exposition, laissant une trace, une suggestion, une nouvelle archive. Ainsi le cycle peut recommencer, nous performons cet espace de recherche. Pourtant, cet espace n’est jamais totalement déterminé par la performance, par le drame ou la comédie, ni l’exposition qu’il a accueilli.

Le bâtiment est un miroir de notre société. Ce miroir nous renvoie l'image d'un corps humain portant un habitacle. L’économie de la construction, ses choix de matériaux font apparaître de manière saillant des logiques de distribution des moyens de production. La décision urbanistique est un jeu de clair obscur, une comédie de portes où entrées et sorties font coup de théâtre. Produit-elle du sensible dans l’espace publique, ou au contraire, refoule-t-elle le savoir-faire établi au fil des siècles de pratique ? Et qu’ose-t-elle dire sur la disparition de connaissances du métier du bâtiment, aujourd'hui relégué au domaine de l'archéologie industrielle et remplacé par des réalités technocrates et politiques qui nous dépassent.
Nous voulons construire notre rapport au corps scénique à travers les valeurs d’exposition à la matière. Comment renouveler la participation au devenir de notre Habitacle ? Comment s'y introduire avec son corps ?